Vous parler d’elle – Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan

rien ne s'oppose

Dans Rien ne s’oppose à la nuit Delphine de Vigan raconte sa mère. Plutôt sa vision de sa mère. Quelle enfant elle a été, dans quelle famille sa personnalité s’est construite, dans quels drames et quelles joies elle a baigné. Et évidemment quelle mère elle est devenue. Comment passe-t-on des yeux d’une petite fille à une écriture adulte, comment prendre du recul sur celle qui nous a élevé ? Mais est-ce vraiment ce que nous attendons à la lecture ?

Ce livre est bouleversant. Dérangeant parfois. Je me suis pris cette histoire en pleine figure, submergée par les émotions de Lucile qui grandit dans une famille nombreuse et qui cherchera sa place toute sa vie. Submergée par l’auteure qui tente de rester objective tout en faisant son deuil au fur et à mesure des paragraphes. Et il y a eu les échos. Ceux des nombreuses questions que je me pose sur ma mère et notre relation. Alors évidemment le destin de ma mère est bien moins tumultueux que celui de Lucile, néanmoins j’ai parfois été obligée de poser le livre pour reprendre mon souffle et me mettre à sa place.
Ma mère vient également d’une fratrie de 8 enfants. Ma grand-mère, issue d’une famille riche et puissante du Vietnam, quitte tout et prend ses 2 filles aînées sous le bras pour venir en France durant la guerre. Ma mère grandira entre ces 2 cultures, deviendra rapidement « l’excentrique » de la famille.
J’ai grandi avec une femme qui n’a pas supporté de voir son corps déformé par la grossesse. Qui est anorexique. Qui m’a souvent trouvée trop grosse. Qui n’est pas câline. Mais qui me montre son amour en m’achetant des choses inutiles (genre des éponges) et en me faisant des gâteaux.
Ma mère et moi ne sommes pas proches. Ou en tout cas je ne suis pas proche de ma mère. Je lui reproche trop de choses. J’ai longtemps souffert de terreurs nocturnes à cause de ses choix de compagnons violents. Je lui en veux en tant que mère mais pas en tant que femme.
Comme Delphine de Vigan, j’ai grandi en voulant être l’inverse de ma mère. Encore aujourd’hui, quand on me trouve une ressemblance avec elle je le prends comme une insulte. Ça ne m’a pas empêché de tomber aussi dans une relation abusive et comme elle je suis restée. Pourtant je suis dure avec elle, je n’admets pas sa maladie ou plutôt son déni. Je ne supporte plus ses crises d’angoisses, je n’arrive pas à lui pardonner que son état m’a obligée à la faire interner de jour au lendemain en maison de repos après un passage aux urgences psychiatriques. Je lui en veux de ne pas m’avoir donné un modèle, de ne pas avoir été la mère idéale, comme celles à la télé et dont j’enviais les bras réconfortants et l’écoute en tout circonstance.
Alors quand Delphine de Vigan écrit la folie de sa mère, ses angoisses pour ses propres enfants, j’ai besoin d’une minute. Pour souffler et la remercier. Remercier ce livre qui m’a fait penser à ma mère, mon rapport à elle et au modèle de maternité. Merci de m’avoir conduit à imaginer une petite fille,  dans une maison sans doute parfois trop bruyante, qui imitait Sheila devant le miroir de sa chambre.

20 réflexions sur “Vous parler d’elle – Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan

  1. J’ai déjà lu un livre de cette écrivaine mais je ne sais plus lequel. Je me souviens qu’il m’avait beaucoup touchée…
    C’est difficile, douloureux, ce que tu as vécu et je trouve très courageux que tu viennes nous en parler.
    Je te souhaite un avenir tout doux 💙
    Gros bisous 😘

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  2. Les relations mère-fille… C’est un vaste sujet, la mère parfaite n’existe pas entre celle qui est trop distante et celle trop protectrice. Avec ma maman nous avons des relations tumultueuses que le temps et la discussion ont fini par apaiser surement parce que je suis devenue adulte, surement parce que j’ai pris de la distance par rapport à ses mots.
    Tout comme toi, j’ai payé les pots cassés d’une grand-mère absolument pas maternelle et despotique et d’une arrière grand-mère dévouée et trop protectrice.
    Voir les « erreurs » passées de ses aïeules peuvent nous permettre de ne pas reproduire certains schémas.

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    • On dit souvent qu’on traine les erreurs et boulets des générations antérieures, avoir juste cette prise de conscience c’est le 1er pas pour briser le cercle vicieux.
      C’est certain qu’une fois adulte avec une vision plus large on arrive mieux à se mettre à la place des parents, dans mon cas même si l’enfant ne sera jamais vraiment pleinement contentée.

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  3. J’ai envie de te serrer fort dans mes bras en lisant tes mots ❤

    J'ose espérer qu'un jour tu arriveras à apaiser un peu ta souffrance et tes démons du passé.

    Et oui je suis persuadée qu'on peut briser ce cercle vicieux si on en a conscience.

    C'est souvent d'un compliqué les relations mère-fille. Je n'ai pas lu de livre témoignage (je ne sais pas si j'en aurais la force), mais plutôt des livres axés psychologie pour aider à avancer dans la vie (les prochains sur ma liste sont "Ces mères qui ne savent pas aimer" et "Parents toxiques" de Susan Forward, qu'on m'a conseillé).
    Et sinon je te conseillerai "Imparfaits, libres et heureux: Pratiques de l'estime de soi", qui aide à la (re)construction personnelle.

    ❤ ❤ ❤ ❤ ❤

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    • T’es un amour, je ne refuse jamais un câlin en plus !

      Ça va mieux en grandissant, chaque conversation est compliqué avec ma mère mais j’essaye de prendre du recul et de me dire que c’est à moi de changer mon idéal puisqu’elle ne pourra pas changer du tout.
      Merci pour les conseils de lecture, je les ajoute à ma liste 😘😘

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      • ça rejoint ce que ma psy m’a dit un jour, au bout d’un moment faut accepter qu’elle ne changera pas, qu’il faut l’accepter ce qu’elle est. Mais qu’on est plus des enfants donc quand quelque chose ne va pas ou qu’on est pas d’accord, et bien il faut le lui dire. Accepter sa personnalité mais ne plus la subir.

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